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Validation du PSN français par la Commission européenne 

La nouvelle version du Plan stratégique national (PSN) français a été validée par la Commission européenne ce 31 août 2022 , donnant ainsi la visibilité nécessaire aux agriculteurs français pour prévoir leur assolement de l’automne. La première version du PSN français, qui avait exigé presque deux ans de débats et l’organisation d’une consultation publique sur la PAC, a été soumise aux services de la DG Agri en décembre 2021. La Commission européenne a analysé les PSN des Etats membres et a publié ses lettres d’observations indiquant les points à reprendre dans chacun des 27 PSN en avril. La France a repris sa copie pour prendre en compte les recommandations et soumis une seconde version du PSN mi-juillet. C’est cette dernière qui vient juste de recevoir l’approbation de la Commission et qu’on peut retrouver en ligne sur le site du Ministère. Le PSN sera appliqué à partir de janvier 2023.

 

Quelles étaient les critiques de la Commission européenne sur le PSN français ?

 

Dans sa lettre d’observation, datée du 31 mars 2022, la Commission européenne a pris la précaution d’abord de souligner les « bons points » qu’elle a relevés dans le PSN français : l’amélioration de la sécurité alimentaire de la France, les efforts faits pour renforcer la résilience des filières, la réforme des outils de gestion des risques, le doublement des surfaces en agriculture biologique, le développement des légumineuses, et l’accent mis sur la bioéconomie, la performance énergétique et sur les synergies cultures-élevage.

 

La Commission européenne a demandé ensuite un ensemble de clarifications sur les actions prévues notamment en matière de performance énergétique et d’adaptation des exploitations agricoles au changement climatique, et sur le respect du cadre réglementaire. Ce dernier point concerne entre autres la Bonne condition agri-environnementale portant sur les rotations des cultures (BCAE 7). Pour rappel, le respect des BCAE fait partie de la conditionnalité des aides, et la PAC 2023-2027 a intégré dans un volet dit de « conditionnalité renforcée » une large part des mesures du verdissement. La BCAE 7 a été traitée initialement par le PSN français comme une obligation de diversification (en imposant un nombre minimal de cultures sur l’exploitation) mais suite aux remarques de la Commission, la France a dû se résoudre à aller plus loin en édictant des règles assurant aussi qu’une même parcelle ne soit pas cultivée toujours avec la même culture, de façon à réduire les problèmes de bio-agresseurs et de préserver la qualité des sols.  De même, une clarification a été demandée sur le cahier des charges de la certification Haute valeur environnementale (HVE) qui dans la première version du PSN  devait être rémunérée au même niveau que l’Agriculture biologique par les éco-régimes du 1er pilier (voir notre actu sur les éco-régimes).

 

Au-delà de ces points de clarification, la Commission européenne a clairement indiqué, et à plusieurs reprises, que les ambitions du PSN français étaient parfois insuffisantes en termes d’objectifs fixés, de mesures proposées, et de moyens financiers prévus, et que l’argumentation mettant en avant les liens attendus entre actions proposées et résultats était peu convaincante. La CE a estimé par exemple que la logique de redistribution des aides s’inscrivait trop dans la continuité par rapport à l’ancienne programmation et ne cherchait pas à redistribuer davantage, et que les incitations et l’accompagnement vers la transition agroécologique et la réduction des émissions de gaz à effet de serre étaient trop partiels . Sur la question climatique, la CE a ainsi noté l’absence de mesures efficaces pour réduire les émissions de l’élevage, et des objectifs trop faibles pour la réduction des engrais et pour le stockage de carbone dans les sols .

Enfin, la Commission européenne a estimé que les questions de bien-être animal ou encore de la place de la concertation et de l’ouverture aux citoyens , ont été oubliées alors qu’elles avaient occupé une place importante dans le débat public.

 

Entre réponses aux attentes de la Commission européenne et temps qui passe

 

Le Ministre de l’agriculture de la France (à l’époque Julien Denormandie) a envoyé une première réponse à la lettre d’observation de la Commission européenne, dès le 22 avril 2022, pour rappeler que la PAC n’est pas la seule politique publique en lien avec le secteur agricole et qu’il est important de ne pas jauger la capacité de la France à répondre aux objectifs de la stratégie Farm to Fork qu’à l’aune du PSN. Il a ainsi indiqué que la France comptait mobiliser aussi d’autres dispositifs et politiques d’intervention, notamment le Plan de Relance et le Plan France 2030 pour l’agriculture, la forêt et l’alimentaire, mais aussi la loi Egalim pour assurer une meilleure répartition de la valeur dans la filière ou encore le nouveau régime assurantiel et les crédits d’impôt à l’agriculture biologique. Il était évidemment important pour la France, alors qu’elle présidait le Conseil de l’Union européenne (du 1er janvier au 30 juin 2022) de pouvoir démontrer qu’elle contribuait aux ambitions du Green Deal.

 

Mais le Ministère de l’agriculture a dû se remettre à l’ouvrage pour fournir une réponse satisfaisante à la CE. Nous ne reprenons ici que quelques ajustements majeurs, exigés par la Commission, et qui sont désormais approuvés dans leur version finale (sans oublier que la France pourra revoir son PSN régulièrement lors de la programmation en cours, s’il s’avère qu’il ne permet pas d’atteindre assez vite les objectifs fixés).

 

Concernant la BCAE 7, la version validée du PSN a bien repris, comme demandé, le terme de rotation. Elle se compose désormais de deux obligations (exemption possible dans certaines zones) :

  • (1) chaque année, sur au moins 35 % de la surface en culture (terres arables hormis surfaces en herbe, fourrage herbacé et jachère), il faudra justifier que la culture principale est différente de celle de l’année précédente, ou qu’un couvert hivernal est mis en place ;
  • (2) à compter de 2025, sur chaque parcelle, il faudra justifier d’une rotation d’au moins 4 ans. On devra montrer que sur la campagne en cours et les trois campagnes précédentes, au moins deux cultures principales différentes ont été mises en place, ou bien qu’un couvert hivernal était présent chaque année (avec une exception pour le maïs semence)

En 2023 néanmoins et en raison de la dérogation Ukraine, l’obligation (1) ne sera pas exigible. Comme pour le verdissement, les exploitations en AB, celles de moins de 10 hectares de terres arables, et celles qui ont plus de 75% de leur surface dédiée à l’herbe ou au pâturage ne sont pas soumises à la BCAE7.

 

Concernant la certification HVE des éco-régimes, le référentiel sera revu à l’automne 2022 mais certaines précisions ont été apportées. Un système de points pour 4 indicateurs (protection de la biodiversité, réduction des produits phytopharmaceutiques, gestion de la fertilisation et gestion de la ressource en eau pour les exploitations ayant recours à l’irrigation) est proposé. Les agriculteurs doivent atteindre 10 points pour chaque indicateur pour être certifiés HVE. On ignore encore les modalités pour compter les points, mais le PSN assure qu’une exploitation certifiée HVE à partir de l’automne 2022 remplira des obligations supérieures et différentes par rapport aux conditions minimales d’octroi des aides surfaciques de la PAC (conditionnalité).

Pour conclure sur les éco-régimes et en lien avec l’ambition environnementale du PSN discutée par la Commission européenne, la certification AB (à condition qu’elle s’applique à l’ensemble de l’exploitation) donnera accès à un niveau spécifique plus élevé, avec une rémunération additionnelle de 30€ à l’hectare par rapport à la certification HVE.  Avec un montant d’éco-régime de désormais 110 € à l’hectare, les agriculteurs biologiques, qui réclamaient 120€/ha pour compenser la perte de l’aide du maintien à la bio, se déclarent sinon satisfaits, du moins rassurés.

 

Concernant la redistribution des aides, les changements entre la version soumise et la version validée du PSN sont plus que mineurs . Le paiement redistributif est inchangé (50€/ha pour les 52 premiers hectares). La France justifie (astucieusement) une redistribution plus ambitieuse que dans la précédente programmation par le maintien du seuil du paiement redistributif alors que la moyenne de la SAU des exploitations françaises a augmenté (elle était de 52ha en 2012 et est de 69ha en 2022), ce qui, mécaniquement, redirige plus d’aides vers les exploitations plus petites. Quant à la convergence interne des aides, le PSN de décembre indiquait une convergence supérieure à 85% d’ici 2026. La mise à jour modifie par « l’atteinte d’une valeur proche de 90% ».

 

En conclusion, la France a ajusté son PSN pour pouvoir répondre aux remarques de la CE, sans pour autant le changer en profondeur ni accéder aux demandes beaucoup plus exigeantes des ONG environnementales. Bien d’autres points ont évolué, y compris dans le volet financier, mais il reste ardu de comparer page à page les deux versions du PSN. La France n’a pas pris en compte toutes les remarques de la Commission avec la même intensité, certaines d’entre elles restent donc orphelines d’une réponse satisfaisante. Ce qui va compter maintenant, ce sont les résultats observés : s’ils restent en deçà des ambitions annoncées, il faudra bien que la France aille plus loin en saisissant l’opportunité de révision du PSN.

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