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Les premières annonces de la Commission européenne pour la PAC 2028-2034

Côté calendrier, où en est-on ?

La proposition de la Commission européenne pour la PAC 2028-2034 a été publiée en juillet 2025. Elle s’inscrit dans la nouvelle logique proposée pour le prochain cadre financier pluriannuel (CFP) et présentée la veille, très remaniée par rapport aux programmations antérieures, ainsi que dans la Vision pour l’avenir de l’agriculture et de la production alimentaire dans l’UE qui avait été publiée en février 2025. Ajoutons également, que depuis mai 2025 la Commission européenne a mis sur la table un paquet simplification de la PAC qui est actuellement soumis au Conseil de l’UE et au Parlement.

Une proposition pour le futur cadre financier pluriannuel qui fait bouger les lignes

Le Cadre financier pluriannuel (CFP) de l’Union européenne permet de programmer les priorités budgétaires sur 7 ans. Dans la présentation qui en a été faite en juillet dernier, son montant est d’environ 2 000 milliards d’euros, soit 1,13% du RNB (revenu national brut) de l’UE. Il est en forte hausse par rapport au budget européen précédent mais cela s’explique d’une part par la nécessité du remboursement de l’emprunt New Generation EU contracté par l’Europe après la crise Covid (0,11 % du RNB) et d’autre part par la volonté de relancer les investissements suite au rapport Draghi sur le futur de la compétitivité de l’Union européenne.

Trois instruments financiers sont prévus dans le CFP :

  • un fonds des partenariats nationaux et régionaux (FPNR) doté de 865 milliards d’€ (48% du CFP) qui rassemble les fonds de nombreuses politiques sectorielles, au premier plan desquelles la politique agricole commune et la politique de cohésion économique sociale et territoriale,
  • un fonds pour la compétitivité de 410 milliards finançant des priorités comme la recherche, le numérique, les transports ou l’énergie et la santé, mais aussi la défense et l’espace,
  • un fonds de 200 millions pour l’action extérieure (préparation de l’élargissement, aide humanitaire).

A cela s’ajoutent d’autres dépenses dont celles du fonctionnement de l’UE pour 16% du CFP.

Revenons sur la proposition d’un fonds des partenariats nationaux et régionaux (FPNR).

Ce dernier implique que les États membres préparent un seul plan national et régional, dans lequel ils ventilent leur dotation entre les différents objectifs autrefois dispersés dans des programmes séparés. On retrouve donc les financements de la PAC dans le FPNR. La Commission européenne propose cependant que 296 milliards d’€ (pour l’UE 27 et sur les 7 ans) soient réservés pour le soutien au revenu des agriculteurs dans son acception large. Autrement dit, placés dans un fonds unique finançant des actions diverses, près de 300 milliards restent sanctuarisés pour prendre en charge : les paiements directs à l’hectare, les aides couplées, les aides aux zones sous contraintes naturelles et autres contraintes spécifiques, le dispositif de paiement forfaitaire aux petites exploitations ainsi que les outils de gestion des risques, les actions agro-environnementales et climatiques, les investissements et les aides ciblées sur les jeunes agriculteurs.

Les syndicats agricoles et de nombreuses capitales se sont émus de ce qui apparait comme une baisse de 15% du budget PAC en prix courant par rapport à la programmation actuelle mais le calcul n’est pas simple car il faut pouvoir aussi prendre en compte les choix de cofinancement des Etats membres, les montants qu’ils accorderont à des dispositifs qui ne sont pas dans cette enveloppe réservée (notamment Akis sur les systèmes d’innovation et la connaissance, et Leader pour le développement des territoires ruraux) et un budget de 6,5 milliards sur 7 ans dédié aux crises des marchés agricoles (qui s’appellera Unity Safety Net in the EU Facility).

Que devient la PAC dans ce nouveau cadre ?

La proposition du CFP met fin à la structure de la PAC en deux piliers. Seuls les paiements de base, les aides couplées et les paiements en faveur des petits agriculteurs seront financés à 100% par l’UE. Les autres aides seront cofinancées par les Etats membres (EM), au minimum à 30% mais davantage s’ils le souhaitent. La Commission met en avant les avantages prévus sur la cohérence, la fongibilité de certaines actions, et la simplification globale.

Aides de base

Les agriculteurs non retraités et « actifs » (définition que les EM devront établir) continuent de toucher une aide de base. Les principes de convergence qui uniformisaient progressivement les paiements par hectare dans chaque EM et entre EM disparaissent mais l’article 35 du Règlement provisoire du FPNR indique qu’en moyenne les montants de ces aides surfaciques doivent être compris entre 130 à 240 euros/ha (ce qui est très large au regard des efforts de convergence entrepris depuis 2014). Un petit calcul rapide effectué par A. Matthews permet de repérer la fourchette haute et basse des fonds allouables par chaque EM pour ce paiement surfacique. Pour la France, si on compare aux budgets actuels dédiés aux aides directes découplées hors écorégimes (paiement de base, paiement redistributif, paiement complémentaire pour les jeunes agriculteurs), cela représente entre -15% (scénario 130euros/ha) et +58% (scénario 240euros/ha). Pour certains pays (Slovaquie, Tchéquie, Lituanie, Roumanie), cela représente une grosse augmentation même pour le scénario fourchette basse, tandis que pour d’autres (Malte, Grèce, Danemark, Pays Bas) cela représente une baisse notoire.

Comme pour les anciennes programmations de la PAC, la Commission européenne propose une dégressivité et un plafonnement des aides. Cependant, cette fois-ci, elle propose qu’ils soient déterminés par agriculteur et non par exploitation. La Commission va même jusqu’à spécifier que le plafonnement couvre l’ensemble des exploitations placées sous le contrôle d’une même personne morale ou physique. Cet ajout permet d’éviter le fractionnement artificiel d’exploitations parfois mis en œuvre pour éviter la dégressivité et le plafonnement. Les seuils proposés par la Commission européennes sont les suivants : -25% pour les paiements dans la tranche 20 000€ à 50 000€ ; -50% de 50 000 à 75 000€ ; -75% de 75 000€ à 100 000€ et un plafonnement au-delà de 100 000€/agriculteur.

Comme c’est le cas aujourd’hui, les paiements peuvent être différenciés par zones, mais aussi par types d’agriculteurs. On retrouve ici une des recommandations du Dialogue stratégique qui demandait que les aides puissent être ciblées sur « ceux qui en ont le plus besoin ». En effet, la Commission indique spécifiquement : « les États membres doivent cibler leur soutien vers les agriculteurs qui en ont le plus besoin, en particulier les jeunes et nouveaux agriculteurs, les femmes, les exploitations familiales ou de petite taille, les systèmes mixtes élevage-cultures, et celles situées dans des zones soumises à des contraintes naturelles ou autres contraintes » (article 6, traduction CAPeye).

Les EM sont tenus d’ouvrir un dispositif de soutien à leurs petites exploitations. Comme c’est le cas aujourd’hui en Bulgarie ou au Portugal, les agriculteurs européens qui le souhaitent pourront renoncer à leurs aides de base et aides couplées pour un paiement forfaitaire par exploitation. Aujourd’hui, ce paiement est conçu pour limiter la charge administrative et le contrôle d’exploitations qui touchent de faibles montants quand ils sont distribués par hectare. La proposition de la Commission européenne rehausse le montant maximum distribué à 3000€/exploitation (2500€ en 2025, et 1250€ depuis 2014).

Aides couplées

L’article 35(5) indique que 20% de l’enveloppe correspondant au financement des aides de base, au dispositif petits agriculteurs et aux actions agro-environnementales et climatiques peuvent être réservés à des aides couplées auxquels peuvent s’ajouter 5% si les EM veulent soutenir les légumineuses, les systèmes mixtes élevage/culture, ou les productions de zones en voie de désertification dans certains EM. Cela semble plus élevé qu’aujourd’hui (15% max de l’enveloppe des aides directes) mais comme les règles de calcul sont différentes, il n’est pas évident de conclure si les plafonds d’aides couplées seront plus ou moins élevés que dans la programmation actuelle.

Architecture environnementale

Pour toucher les aides de la PAC, les exploitations devront respecter le « Farm stewardship ». Il comprend les exigences réglementaires en matière de gestion (ERMG) comme dans la programmation actuelle ainsi que des « protective practices » ciblées sur les sols, l’eau et la biodiversité. Elles semblent très proches des Bonnes Conditions Agroenvironnementales (BCAE) actuelles, si ce n’est que la Commission ne donne pas une liste de pratiques mais plutôt des objectifs. On ne parle donc plus de conditionnalité. Comme c’est le cas aujourd’hui avec la conditionnalité, les exploitations de moins de 10ha de SAU ne sont pas contrôlées sur ces points.

 

Les écorégimes disparaissent également dans la proposition de la Commission européenne. Désormais on parle d’actions agroenvironnementales et climatiques qui sont entièrement cofinancées par les Etats-membres (à la différence des écorégimes actuels) et qui sont structurées autour :

  • D’un engagement volontaire de gestion « voluntary management commitment » qui ressemble aux actuelles mesures agroenvironnementales et climatiques (engagement cadré sur une ou plusieurs pratiques ciblées)
  • D’un système volontaire de transition « voluntary transition system », dans lequel un agriculteur peut proposer un plan d’action de transition pour son exploitation (validé à l’échelle des Etats-membres), qu’il doit suivre et atteindre. De fait, ce dispositif ressemble fortement aux actuelles « MAEC transition » gérées par les Conseils régionaux français. Les plans de transition pourraient être financés à concurrence de 200 000 € par agriculteur pour la programmation.

 

Pour ce qui est des autres aides, comme les aides aux investissements, les aides pour la gestion des risques climatiques, l’Indemnité compensatoire de handicap naturel, il y a assez peu de changements. Notons tout de même que la Commission propose de valoriser davantage toutes les aides destinées aux jeunes agriculteurs et impose un « starter pack » pour les jeunes et nouveaux installés qui regroupe plusieurs interventions, assorti d’un guichet unique et d’un montant maximum de 300 000 euros.

A noter aussi la revalorisation de la réserve agricole mentionnée plus haut (Unity Safety Net). Son budget double, en passant de 450 millions d’euros par an à 900 millions. Son utilisation est réservée en priorité aux perturbations du marché, liées notamment aux maladies animales et végétales. Les règles de compensation des pertes dues aux catastrophes naturelles ou aux aléas climatiques sont quant à elles, établies par les Etats membres (avec quelques seuils à respecter sur les taux de perte ouvrant l’accès aux aides) qui doivent les cofinancer.

 

En conclusion, que faut-il retenir de cette première proposition ?

 

  • Moins de pouvoir pour les ministres de l’agriculture 

Alors que le règlement sur le FPNR concerne aussi la PAC, sa négociation ne sera pas du ressort des instances agricoles européennes notamment le conseil des ministres de l’agriculture. De plus, si le principe de ce fonds est confirmé, cela signera à la fois une plus grande marge de manœuvre sur les décisions budgétaires à l’échelle des EM, mais aussi la fin d’un domaine réservé pour les ministres de l’agriculture à l’échelle nationale : ils devront désormais négocier une partie des fonds avec les autres ministres concernés par le FPNR, très probablement sous contrainte plus forte des Finances et du Budget.

 

  • Aucune certitude sur la redistribution des aides

Le paiement redistributif obligatoire disparait, au moins dans le cadre européen. Il y a certes une proposition forte, et qui a frappé les esprits, sur la dégressivité et le plafonnement mais les syndicats sont déjà fortement mobilisés et il n’est pas garanti qu’elle survive aux négociations avec le conseil de l’UE. La proposition de Règlement introduit certes des possibilités de redistribution par zones ou par types d’agriculteurs, mais ce n’est pas une redistribution « automatique » comme on l’a connue. Il n’est pas garanti que les Etats membres s’en saisissent.

 

  • Les actions en faveur du climat et de l’environnement menacées ?

Les actions agri-environnementales et climatiques devront être cofinancées par les Etats-membres. Même s’il est inscrit que 35% du budget européen soit dédié à des objectifs environnementaux et climatiques, il n’y a pas de sanctuarisation d’un budget minimal à l’échelle des EM. Autrement dit, selon les choix des EM (montants des aides dégressives à l’hectare fourchette haute ou basse, enveloppe des aides couplées), il pourrait ne pas rester grand-chose pour ces actions pour l’environnement et le climat. Il faudra compter sur les montants récupérés de la dégressivité et bien sûr des cofinancements nationaux, sachant que tous les Etats-membres n’auront pas les mêmes capacités ou ambitions de cofinancement.

 

La proposition est désormais entre les mains du Parlement et du Conseil. Compte-tenu du contexte géopolitique, il est probable que cette première proposition évolue fortement.

 

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