En avril, le prix du lait dans l’UE a chuté de 11,5% par rapport au même mois en 2015. D’après l’observatoire du prix du lait, il se situe donc à 27,62 cents/kg. En France, il plafonne à 27,48 cents/kg en avril 2016, ce qui représente une baisse de 8,1% par rapport à l’an dernier (données de l’observatoire du prix du lait).
Pourquoi cette chute du prix du lait ?
La production de lait a augmenté grâce à des conditions météo favorables aux pâturages en Océanie, tandis que la demande mondiale, en particulier chinoise, stagne désormais. L’embargo russe sur les produits agro-alimentaires européens freine aussi les exportations. Face à cette conjoncture déjà peu favorable, la fin des quotas laitiers en Europe a accéléré la chute des prix.
Avant 2015 et cela depuis 1984, la production laitière européenne était maitrisée par des quotas. Chaque Etat-membre et chaque producteur avait donc des limites de production. Suite à la suppression des quotas, la production de lait a largement augmenté, surtout dans les pays membres ayant des avantages comparatifs dans ce domaine (+ 330 000 tonnes aux Pays-Bas, + 300 000 tonnes en Allemagne, + 140 000 tonnes en Pologne et + 110 000 tonnes en Irlande). Le revenu des producteurs de lait dans les pays moins compétitifs, dont la France, en pâtit. Près de 20 % des fermes laitières en Europe, et des milliers d’emplois associés à la collecte et la transformation du lait, sont menacés si la crise se prolonge.
Comment réagir : que fait la Commission européenne face à cette crise ?
Depuis 2012, le paquet lait a été mis en place pour tenter de limiter les conséquences de la fin des quotas laitiers et un observatoire du prix du lait européen a été crée. Cependant, ces outils ne semblent actuellement pas suffisants : les producteurs de lait sont dans des situations catastrophiques et produisent à perte (voir le reportage d’Envoyé spécial « Eleveurs, ils produisent pour du beurre »)
Depuis mars 2016, la Commission européenne (CE) a ouvert largement la boite à outils disponible en cas de crise. Elle a augmenté les plafonds d’intervention pour le lait écrémé en poudre et le beurre. Elle a mis en application l’article 222 de l’OCM (Organisation Commune de marché), pour autoriser des accords volontaires sur la gestion de l’offre au sein des organisations de producteurs, de leurs associations ou d’organisations interprofessionnelles (retraits, stockage, promotion,…). Elle a également mis en place un groupe de travail pour renforcer le poids des producteurs laitiers dans l’organisation des chaînes d’approvisionnement.
Ce 26 mai, le Parlement européen a organisé une séance plénière en présence de Phil Hogan, Commissaire européen à l’agriculture. Les députés ont redemandé à la CE et au Conseil des ministres de mettre en place des outils plus efficaces pour rééquilibrer les marchés. Les députés E.Andrieu (S&D, FR) et J.P. Denanot (S&D, FR) ont par exemple, diffusé un communiqué de presse où ils demandent à la Commission européenne de tout faire pour « remonter les cours […] [et que si] elle ne crée pas toutes les conditions pour permettre un retrait volontaire des volumes par tous les producteurs de l’Union européenne, [ils] demanderont un rétablissement des quotas ».
Le Commissaire européen à l’agriculture, Phil Hogan, répond en mettant plus particulièrement en avant la nécessité pour les associations de producteurs et l’interprofession de mieux mobiliser l’article 222. Il les enjoint de se coordonner davantage pour planifier la production et répartir de façon plus équitable la valeur ajoutée le long de la filière laitière (écouter son discours au Parlement européen).
Des think-tanks europpéens comme Farm Europe vont plus loin : ils proposent d’introduire une obligation européenne de cibler les aides d’urgence (européennes et des Etats membres) sur les producteurs laitiers s’engageant à réduire leur production par rapport au niveau 2015. Cette option garantirait qu’aucun financement public au sein de l’UE n’est attribué à des producteurs qui ne participent pas à l’effort de réduction de la production. Enfin, ils remettent en avant l’organisation d’un « appel d’offres » européen de réduction volontaire de la production laitière, accessible à l’ensemble des producteurs européens. Ces derniers s’engageraient, sur un temps limité de 6 mois, à réduire leurs livraisons aux laiteries par rapport à 2015 pour un volume déterminé, en bénéficiant en retour d’une compensation suffisamment attractive. Cette option ne soulève pas l’enthousiasme, le risque étant bien sûr, que certains profitent de la remontée des prix qu’elle entrainerait pour réaugmenter leur production. Phil Hogan s’est d’ailleurs montré sceptique.
La crise du lait démontre surtout que la volatilité des prix agricoles est une réalité de plus en plus prégnante et que Bruxelles ne réussit pas à offrir des réponses suffisamment rapides et adaptées. Les systèmes assurantiels et de fonds mutuels que l’UE promeut dans le cadre de la nouvelle PAC peuvent-ils offrir une réponse adéquate ? Ne risque-t-on pas ainsi de dépenser beaucoup d’argent public pour financer des assurances non viables sans subventions ? ou faut-il oser revenir à des droits à produire, qui certes entravent en partie les marchés, mais peuvent aussi répondre à leurs principales défaillances ?
Lecole Pauline et Thoyer Sophie