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Un premier bilan de l’écorégime français

La première campagne des aides de la PAC 2023-2027 s’est achevée en décembre dernier. Quel bilan peut-on tirer sur les demandes d’engagement des agriculteurs français dans les écorégimes ?  

Les écorégimes ont été mis en place par le Règlement de la PAC 2023-2027 (2021/2115, article 31), en remplacement du dispositif de paiement vert, introduit dans la PAC précédente. Les écorégimes sont obligatoires pour les Etats-membres mais volontaires pour les agriculteurs, et 25% du budget des aides directes du premier pilier doivent y être consacrés. Chaque Etat-membre a établi dans son Plan Stratégique National une stratégie pour son écorégime associée à une sélection de pratiques bénéfiques pour l’environnement et un système de paiement pour les agriculteurs qui choisissent de s’engager. Il est à noter que les Etats-Membres ont fait des choix assez différents qui reflètent leurs priorités en matière de soutien à la transition agro-écologique.

La France a opté pour trois voies d’accès possibles à l’éco-régime : (1) la voie des pratiques, (2) la voie des éléments favorables à la biodiversité, (3) la voie de la certification environnementale : Haute Valeur environnementale (HVE) et Agriculture biologique (AB). Chaque voie est assortie de deux niveaux de paiements et d’exigence associée, un niveau de base et un niveau supérieur. Un troisième niveau a été introduit dans le cas de la certification, pour rémunérer davantage la certification AB que la certification HVE compte tenu des exigences bien plus élevées de son cahier des charges.

La France s’est engagée sur une logique de paiement pour service environnemental à l’échelle de l’exploitation, plutôt que sur la compensation des surcoûts et manques à gagner induits par les pratiques exigées dans l’écorégime sur seulement les parcelles concernées. Le PSN validé par la Commission européenne en décembre 2022 prévoyait que le niveau de base soit rémunéré à hauteur de 60€/ha éligible, le niveau supérieur à 82€/ha et le niveau AB à 112€/ha, pour un budget global réservé à l’écorégime de 1.68 milliard d’€ en 2024, correspondant à 25% de l’enveloppe des aides directes du premier pilier. Ces montants par hectare ont été proposés sur la base d’une estimation a priori de l’engagement des agriculteurs français dans les deux niveaux de l’écorégime. Malheureusement, il n’est pas indiqué dans le volumineux document du PSN les objectifs d’engagement prévus, ni en termes de nombre d’hectares, ni en termes de nombre d’exploitations visées.

En octobre 2023, les montants de l’écorégime ont été revus à la baisse par rapport à ce qui avait été initialement annoncé : pour la campagne 2023, le niveau de base ne sera rémunéré qu’à hauteur de 45,5€/ha, le niveau supérieur à 62€/ha et le niveau AB à 92€/ha, soit une baisse moyenne de 20€/ha pour les engagements les plus exigeants et de 15€/ha pour l’engagement de base. Cette décision a été dénoncée par la Confédération paysanne et la Fédération nationale d’Agriculture Biologique qui reprochent au ministère le choix de pénaliser davantage les agriculteurs bio et ceux qui fournissent un effort plus important pour l’environnement.

D’après la presse agricole, le ministère a justifié cette révision de la rémunération de l’écorégime par le fait que la participation des agriculteurs français a été bien supérieure à ses prévisions.

Notons cependant qu’un premier bilan de la campagne 2023 est sorti en décembre 2023 et qu’il affiche un budget dédié aux écorégimes de 1.51 milliards d’€ soit 10% inférieur au budget initial prévu. On observe également que l’enveloppe prévue pour les droits à paiement de base (DPB) a elle augmenté entre ce qui était prévu et ce qui a été dépensé (+11%) (3.25 milliards prévus, 3.62 milliards dépensés). Nous n’avons pas l’information sur la raison de cette augmentation de l’enveloppe, il peut s’agir de la demande d’attribution de nouveaux DPB, par exemple par le secteur viticole, ce qui lui permet alors de bénéficier aussi de l’écorégime (notamment par la voie des pratiques qui impose des couverts végétaux sur 75% des inter-rangs, pratiques déjà très répandues chez les viticulteurs et les arboriculteurs).

Le MASA indique aussi dans ce document le nombre d’agriculteurs qui bénéficient de l’écorégime pour la campagne 2023 : ils sont 237 861, soit plus de 91% des agriculteurs qui ont touché des droits à paiement de base et avaient donc le droit de s’engager dans l’écorégime. Julien Denormandie, le ministre de l’agriculture de l’époque, avait qualifié l’écorégime du PSN français d’ «  inclusif et accessible à tous ». C’est d’ailleurs ce qui lui avait été reproché par les associations de défense de l’environnement et par la Commission européenne dans son évaluation du PSN. Les faits leur donnent raison. Le niveau d’exigence au final très modeste de l’écoregime a suscité un engagement massif mais très vraisemblablement sans grand impact bénéfique pour l’environnement puisque la plupart des agriculteurs se sont engagés à maintenir ce qu’ils faisaient déjà.  Ce constat avait été anticipé dans les travaux de l’INRAE mené par Marie Lassalas et al. Marc Fesneau, l’actuel ministre de l’agriculture s’est félicité de ce « succès » en parlant en juillet 2023 devant la Commission des affaires européennes d’une « stratégie de massification » réussie.

Il sera intéressant de se pencher sur le succès relatif des différentes voies d’accès et des deux niveaux d’exigence, en fonction du type de systèmes agricoles, du type d’exploitation et de leur localisation. A ce stade, les données des Directions départementales des territoires indiquent qu’il y a eu 263 543 demandes d’écorégimes sur la campagne et que 75% concernaient la voie des pratiques, 7% la voie des éléments favorables à la biodiversité, et 18% la voie de la certification environnementale (dont 36% pour HVE et 64% pour l’AB). Un partage rapide des statistiques permettrait d’établir un diagnostic plus précis et de s’engager dans la voie de l’amélioration de l’écorégime.

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